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17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 08:00

Lettre à ces socialistes qui nous désespèrent (2)
par Edwy PLENEL  -  le 9 juin 2009

 

Un vote qui sanctionne vos renoncements

Car le résultat électoral du 7 juin 2009 n'est pas un accident, mais une confirmation : celle de votre incapacité collective à vous réinventer un avenir, un projet, une vision. Contrairement aux commentaires convenus, ce n'est pas l'opposition déterminée à Nicolas Sarkozy qui a été sanctionnée dans les urnes, mais votre impuissance à incarner une opposition crédible. Abstentionnistes massifs - dont, pour l'essentiel, la jeunesse et les classes populaires - et électeurs écologistes - dont, notamment, le socle urbain et diplômé de votre électorat - ont sanctionné, par leur absence ou par leur vote, vos divisions, vos faiblesses et vos silences. L'affirmer, ce n'est aucunement diminuer le mérite des listes Europe Ecologie qui ont suscité l'adhésion par contraste avec vos manques. 

L'unité des différences, l'originalité du projet, le souci du monde et le souffle de démocratie étaient en effet de leur côté, pas du vôtre. Dans un processus longuement mûri et parfaitement maîtrisé, les Verts ont suscité un rassemblement qui les dépassait, du noniste altermondialiste José Bové aux animateurs de la Fondation Hulot. Loin des vieilles recettes, leur projet européen associait le changement écologique et la protection sociale, se voulant carrément un " programme de transition entre deux mondes, entre deux modèles de développement, entre deux civilisations". 

La promotion de deux figures européennes, mariant et dépassant les nationalités, Daniel Cohn-Bendit et Eva Joly, exprimait une particulière intelligence du monde, de son interdépendance, de sa complexité et de sa fragilité. Enfin, l'absence de toute préoccupation présidentielle, associée à une authentique culture parlementaire européenne, insufflait une vitalité démocratique, à l'image de la décontraction et de la simplicité du leader de la campagne. 

Pendant que les écologistes travaillaient, vous vous disputiez. Non pas sur les idées, tant les divergences sont au fond minimes entre vous, mais sur les personnes. En 2006, dans un livre d'entretiens, je me souviens avoir opposé à votre premier secrétaire d'alors, François Hollande, cette réflexion de Pierre Mendès France : "Choisir un homme sur la seule base de son talent, de ses mérites, de son prestige (ou de son habileté électorale), c'est une abdication de la part du peuple, une renonciation à commander et à contrôler lui-même, c'est une régression par rapport à une évolution que toute l'histoire nous a appris à considérer comme un progrès." 

A trois ans de distance, sa réponse ferait sourire si ce n'était pas pitié : "L'essentiel, c'est le projet politique, et cette leçon-là demeure. Les personnalités comptent, mais ne nous laissons pas emporter par la compétition des personnes. [...] C'est le projet, c'est le contrat, c'est la politique qui crée la dynamique. C'est le collectif qui porte l'individuel." Vous avez toujours produit d'excellents commentateurs de notre vie politique. Ils ne font pas forcément ses meilleurs rénovateurs. 

La sanction électorale dont vous faites l'objet vient de loin. Elle frappe de longues fainéantises et d'anciens renoncements. J'en dénombre au moins quatre.

Le présidentialisme d'abord, cette gangrène qui dévitalise la démocratie française : héritiers de François Mitterrand, qui en accrut les travers à rebours de ses engagements, vous n'avez pas su inventer un projet politique qui refonde notre démocratie en limitant, en contrôlant et en équilibrant ce pouvoir exécutif dominateur. 

Pis, vous avez même accéléré, sans en débattre publiquement, cette présidentialisation de notre vie publique, dont profite l'actuel pouvoir, en associant le passage au quinquennat et l'inversion du calendrier électoral. Toutes générations confondues, vous êtes ainsi devenus un parti de professionnels, où l'individualisme carriériste l'emporte sur la fraternité militante. A tel point que, dans un paradoxe audacieux, les plus rénovateurs d'entre vous ne voient d'autre moyen de sortir de l'impasse que de trancher au plus vite cet enjeu présidentiel en contournant votre propre parti par des primaires ouvertes à toute la gauche. 

Cette campagne européenne l'a prouvé au-delà du raisonnable : votre deuxième renoncement concerne rien de moins que le monde qui nous entoure. En théorie porteur, depuis l'origine, de valeurs et principes universalisables, sans passeports ni frontières, le socialisme est supposé unir l'intelligence internationale au projet national. De fait, l'Europe fut, dans les années 1980, votre affaire avec Jacques Delors, tout comme ce sont deux des vôtres qui dirigent aujourd'hui le Fonds monétaire international et l'Organisation mondiale du commerce. 

Or c'est tout le problème, que révèle au grand jour l'actuelle crise économique et qui fut au moteur de votre propre schisme lors du référendum européen de 2005 : vous avez accompagné la financiarisation et la bureaucratisation de l'Europe, plutôt qu'incarné sa dynamique démocratique et sociale. L'incapacité des socialistes européens à porter une stratégie, claire et cohérente, de changement lors de ce rendez-vous électoral alors même que le capitalisme traverse une crise historique portait l'échec dans les urnes comme la nuée annonce l'orage.

(la suite : Ce silence sur l'ouverture sarkozyste qui vous accable)

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