Le 26 mai, Gaëtan GORCE a adressé aux membres du Conseil national une lettre les invitant à refuser de signer les appels à la candidature, d'où qu'ils viennent.
Cher(e) Camarade,
"J'ai confiance en vous", c’est par ces mots, que François Mitterrand concluait ses derniers vœux aux Français, le 31 décembre 1994. Quinze ans plus tard, notre pays semble pourtant avoir perdu toute foi dans l’avenir. Plus de la moitié de nos concitoyens s’est abstenue aux dernières élections cantonales; et si la gauche a réalisé un excellent résultat, celui-ci ne suffit pas à masquer le désarroi d’une partie de l’opinion qui semble ne plus croire en la volonté politique et que la pénible "affaire" en cours risque de perturber plus encore. À ce désarroi, il n’est de pire réponse que le retour aux formules anciennes. L’UMP n’y a pas résisté, qui a transformé le désespoir de millions de Français en prétexte à de sordides disputes internes.
La gauche doit prendre garde à ne pas tomber dans ce piège : si sa riposte devait se résumer à la multiplication d’appels en faveur de la candidature de tel ou tel, ne décevrait-elle pas ses partisans et plus encore toutes celles et tous ceux qu’il lui reste à conquérir ? Le retrait de Dominique Strauss Kahn nous oblige plus que jamais à faire le choix, non de l’accablement ou du déchaînement des passions, mais de la politique dans toute sa dimension et sa noblesse !
J’avais lancé voici deux ans, dans le Monde, un "appel" à la sagesse. Naïve préoccupation qu’il est peut-être plus naïf encore de vouloir répéter ! Les socialistes ont leur destin entre leurs mains. S’ils font le choix de l’unité, aucune concurrence, ni des Verts, ni du Front de gauche ne pourra menacer leur candidat.
S’ils laissent parler leurs mauvais démons, tout est à craindre. Nos électeurs, nos sympathisants ne nous ont rien dit d’autre durant toute la dernière campagne…
L’unité, c’est d’abord la cohérence : nous avons, par notre vote, fait le choix de Primaires.
Celles-ci en "appellent " directement aux citoyens, rendant obsolètes et irrecevables toutes les vieilles recettes consistant à publier des listes de soutien, signées d'élus ou de cadres fédéraux. La logique des Primaires a été conçue justement pour briser les écuries, brider les clans, faire taire les oligarques.
Ce serait faire injure à nos électeurs que de leur dire ce qu’ils doivent faire. Ce serait surtout prendre le risque de raviver ce que nous avons connu en 2006/2007, à savoir des groupes de supporters remontés les uns contre les autres au point de ne plus pouvoir se réunir face à l’adversaire le moment venu.
Pour ma part, je ne signerai aucun appel et je t’invite à partager et à faire partager cette attitude. Nous disposons désormais d’un projet. Aux candidats ensuite de se déclarer et de présenter sereinement et dans le respect mutuel leurs arguments. Face à une droite divisée et une opinion désemparée, le parti socialiste ne pourra opposer la clarté de son projet et la sincérité de sa démarche que si chacun veut bien comprendre qu’il s’agit d’un défi collectif.
Après 1995, 2002, 2007, il est possible, demain, de mettre un terme à la spirale de la défaite. À condition, toutefois, que nous sachions mériter la victoire !
Je te prie de croire, Cher(e) camarade, en l’assurance de mes amitiés plus que jamais librement socialistes.