La désignation d'Harlem Désir à la tête du PS
"n'a rien de démocratique"
LeMonde.fr - le 14 septembre 2012
Remontés et déçus : voici l'état d'esprit de certains adhérents socialistes après qu'Harlem Désir a été choisi, mercredi 12 septembre, pour succéder à Martine Aubry à la direction du PS. Parmi ceux qui ont répondu à l'appel à témoignages lancé jeudi par Le Monde.fr, ces militants désappointés sont plus nombreux que ceux qui estiment que le prochain congrès se prépare au parti dans des conditions satisfaisantes, en évitant les "déchirements" du passé. Après le processus démocratique réussi de la primaire, en 2011, ils estiment que le PS règle la question de sa direction en catimini, en leur laissant seulement le soin d'avaliser cette décision venue d'en haut par un vote, qui aura lieu le 18 octobre.
"Les militants n'ont qu'à la fermer, exécuter et voter pour l'homme nommé d'avance que la direction a choisie", regrette Alain R., 73 ans. Le processus "n'a rien de démocratique puisqu'il n'y a qu'un seul candidat", renchérit JDP. Il aurait, lui, "aimé que le vote des militants du 18 octobre ne se limite pas à une simple approbation". Dommage, selon lui, car "le PS paraissait en avance sur son temps avec la primaire..."
"Après la fantastique aventure de la primaire, ce retour est violent", regrette Etienne L., à Strasbourg. "On a eu le courage de confier à trois millions de Français la ligne et le choix du candidat socialiste à la présidentielle, pourquoi ne pas permettre à 200 000 militants de déterminer démocratiquement leur ligne de parti ?", demande-t-il. "De l'extérieur, l'image du parti est à nouveau déplorable", regrette Sébastien P., adhérent à Paris (18e).
Le rôle de Martine Aubry, qui quittera son poste à la fin de la semaine, est montré du doigt. "Elle fut une formidable première secrétaire, même les 'hollandais' sont d'accord sur la question, mais quelle sortie ratée !", lance Manuel, étudiant de 20 ans.
"TOUT EST PLIÉ"
Dès lors, une bonne partie des déçus ne voit pas l'intérêt de voter au congrès. "Voter quoi, puisque le choix a été fait par Mme Aubry ?", demande Marie-France D, éducatrice retraitée, âgée de 65 ans. "Mon mari et moi ne voterons pas pour [la motion] d'Harlem Désir", affirme Chantal A. Elle et son mari, retraités de l'éducation nationale et de la viticulture, "ulcérés de la manière dont on nous impose le premier secrétaire", voteront pour la motion de Gaëtan Gorce, intitulée "Dessine moi un parti", pour "lutter contre les combines".
"Je me demande si je vais voter, car tout est plié", renchérit Marie A. Militant depuis 2005 au PS, à Paris (18e), Raphaël M. "espère que le vote des militants réservera quelques surprises, sans trop y croire..." Ce juriste voit dans le processus de désignation du successeur de Mme Aubry "une insulte aux militants", qui lui "donne envie de voter la motion de la gauche du parti [portée par le vice-président de la région Ile-de-France, Emmanuel Maurel], non par conviction, mais simplement pour envoyer un message à Solférino : respectez les militants !"
"L'UMP a mis des années à se démocratiser, est-ce bien le moment pour le PS de revenir en arrière ?", demande Olivier, qui ajoute : "Je ne sais pas si je voterai blanc, mais ce n'est pas à exclure." La plus radicale reste Lyliane V. Cette analyste financier, âgée de 54 ans, assure qu'elle va "non seulement quitter le PS" mais aussi "ne plus jamais voter pour ce parti".
"PAS DE CAMPAGNE FRATRICIDE"
Moins nombreux, certains adhérents témoignant sur Le Monde.fr jugent tout à fait logique que Mme Aubry et Jean-Marc Ayrault aient proposé M. Désir pour prendre la tête du PS en le choisissant comme premier signataire de leur motion, qui devrait être majoritaire lors du prochain congrès du parti, en octobre, à Toulouse.
A la fin, ce sont les militants qui votent pour cette motion ou pour une autre, juge Benoît C., enseignant de 25 ans. C'est démocratique. Vous n'allez quand même pas nous reprocher de ne pas être divisés pour une fois !"
Le maintien de l'unité au sein du parti est un argument mis en avant par ces adhérents. "Ces arrangements permettent plutôt d'éviter la cacophonie à laquelle sont irrémédiablement ramenés les débats démocratiques" lors des congrès socialistes, fait valoir Jérémie G., consultant en organisation, âgé de 35 ans. "Au moins, ce mode de désignation par la concertation a l'avantage de ne pas nécessiter de campagne fratricide, cela met de côté les enjeux de personnes. Il n'y a pas eu de 'petites phrases'", estime également Théophile C.
Certains jugent injustes les critiques sur le manque de démocratie interne au PS. "Le PS a démontré, pour la candidature à l'Elysée, qu'il pouvait [organiser] avec succès une procédure démocratique ouverte à tous", souligne Jean-François Garde, retraité, âgé de 70 ans. Avant de lancer : "On n'en demande pas tant à tous les autres partis, qui n'ont jamais fait de primaire !"
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