Les primes de licenciement, un crime parfait ?
Source RMC.fr - le 15 juillet 2009
Devant la multiplication des actions violentes ou menaces de salariés pour obtenir des primes supra-légales de licenciement, des spécialistes critiquent ces chèques qui permettent aux entreprises d'acheter la paix sociale au détriment des employés et de la revitalisation des sites.
Après une vague de séquestrations de patrons ces derniers mois, les sociétés New Fabris et Nortel ont défrayé la chronique depuis que des salariés risquant de perdre leur emploi ont menacé de faire sauter des usines.
Une fois relayées par les médias, les actions de ce type portent souvent leurs fruits, les entreprises et les responsables politiques cherchant à éviter que des crises locales dégénèrent et s'étendent.
En quelques heures, les salariés qui ont menacé de faire exploser des bonbonnes de gaz dans l'usine Nortel de Châteaufort (Yvelines), où près de 500 postes doivent être supprimés, ont obtenu d'être reçus par leur direction mercredi.
Ils ont aussi retenu l'attention du gouvernement, le ministre du Travail, Xavier Darcos, promettant qu'une issue serait trouvée et le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi, annonçant sa visite sur place.
"Ces bonbonnes de gaz, en fait, sont liées uniquement à notre souhait d'avoir un impact médiatique" après plus d'une semaine de grève infructueuse, a expliqué à la presse Denis Vinçon, un représentant des salariés. "Les médias ont tout de suite réagi, ça a été comme une traînée de poudre", a-t-il ajouté après que les bouteilles de gaz ont été enlevées.
Les salariés du sous-traitant automobile New Fabris doivent être reçus par Christian Estrosi dans les jours prochains. Mais pour attrayantes qu'elles soient, les primes supra-légales ont leurs effets pervers et peuvent permettre aux entreprises de se dégager de leurs obligations légales.
"C'est le crime parfait", déplore sous le sceau de l'anonymat un conseiller ministériel, dénonçant "la dérive des primes supra-légales pour assurer la paix sociale".
"C'EST UN PIÈGE" Une fois le chèque signé et le calme revenu, "les entreprises rognent sur leurs obligations de réindustrialisation à cause de ces primes" obérant les chances de créer de nouveaux emplois, ajoute-t-il.
Selon Jean-Luc Outin, chercheur au Centre d'économie de la Sorbonne, "les entreprises sont bien contentes au bout du compte de payer, ça leur évite de s'engager dans un processus beaucoup plus complexe de reconversion de la main d'oeuvre et d'attraction d'entreprises" sur le site.
"C'est plus facile de faire un chèque même si c'est plus coûteux. Une fois qu'on a fait le chèque, c'est terminé : 'au revoir monsieur, on ne vous doit plus rien'."
Ces primes, souligne ce spécialiste, créent une inégalité entre salariés des entreprises riches qui peuvent les payer et ceux des entreprises pauvres qui n'auront que le minimum légal.
Au sein d'une entreprise, elles favorisent les plus jeunes, qui ont le plus de chance de retrouver un emploi, et ceux qui sont le plus près de la retraite, au détriment des autres.
"C'est un leurre qui fonctionne de manière extrêmement inégalitaire", explique Jean-Luc Outin. "Ceux qui vont pouvoir s'en sortir, il y en a peut-être 10%-15%. Pour les autres c'est un leurre et une façon pour l'entreprise de se désengager de la responsabilité qu'elle a vis-à-vis de ses anciens salariés."
Poussés à négocier par des salariés inquiets, les syndicats regardent ces primes avec méfiance.
"La victoire, c'est un salarié qui retrouve du travail, c'est pas le montant du chèque", explique-t-on dans l'entourage du numéro un de la CFDT, François Chérèque.
"Quand il y a un plan social, beaucoup de salariés se disent qu'il faut faire payer l'entreprise le plus possible. C'est compréhensible, la prime, c'est grisant mais une fois qu'elle est bouffée, elle est bouffée. C'est un piège."